Ah, le cahier du jour… Un monument de notre enfance ! Qui n'a pas tremblé devant cette page blanche, chaque matin, prête à être souillée par les dictées et les opérations ? Mais, soyons honnêtes, il y avait un moment de grâce. Un moment de répit. Je parle, bien sûr, de la fameuse page de garde.
On nous laissait enfin exprimer notre créativité. Du moins, c'est ce qu'on croyait. Car, secrètement (ou pas), on était tous jaloux du camarade qui avait le talent inné pour dessiner des bonshommes allumettes qui tenaient miraculeusement debout.
Puis, il y a eu la mode des mandalas. Oui, le mandala. Ce cercle complexe, rempli de motifs géométriques hypnotiques. Soudain, la page de garde s'est transformée en une compétition acharnée de coloriage. Qui aurait le mandala le plus symétrique ? Le plus coloré ?
Le Mandala : Ami ou Ennemi ?
Voilà mon opinion impopulaire : J'ai toujours trouvé que les mandala étaient un peu… surfaits. Je sais, je sais, c'est thérapeutique. Ça apaise. Ça recentre les énergies. Mais franchement, à 8 ans, tout ce que ça faisait, c'était me donner mal à la tête et me faire perdre un temps précieux que j'aurais pu consacrer à dessiner des vaisseaux spatiaux.
Et puis, soyons réalistes. Qui coloriait vraiment son mandala avec une attention zen et méditative ? La plupart du temps, c'était un coloriage frénétique, à la va-vite, pour pouvoir enfin passer aux choses sérieuses : écrire la date et se préparer à la torture de la conjugaison des verbes.
La Tyrannie des Couleurs
Le choix des couleurs ! Un véritable dilemme. Fallait-il opter pour une harmonie de tons pastel, digne d'un magazine de décoration intérieure ? Ou oser le contraste audacieux, quitte à provoquer une crise d'épilepsie à quiconque oserait poser les yeux sur notre chef-d'œuvre ?
Et ne parlons pas du risque de dépasser ! L'horreur absolue. C'était le signe d'une âme impure, incapable de maîtriser la complexité du cosmos. On avait presque l'impression que la maîtresse allait nous coller un zéro pour avoir osé déborder d'un millimètre.
Alors, certes, le mandala a ses vertus. Il enseigne la patience, la précision, et peut-être même une certaine forme d'humilité (face à la difficulté de ne pas dépasser). Mais pour moi, la page de garde du cahier du jour, c'était avant tout l'occasion de laisser libre cours à mon imagination, sans contraintes ni diktats géométriques.
Une page blanche où l'on pouvait dessiner des monstres, des voitures de course, ou même, soyons fous, un bonhomme allumette parfaitement équilibré.
Peut-être que je suis un peu nostalgique. Peut-être que je suis juste un mauvais colorieur. Mais je persiste et signe : Vive la liberté créative sur la page de garde ! À bas la tyrannie du mandala ! (Enfin, presque.)
"La créativité est contagieuse. Faites-la tourner." - Albert Einstein (mais il n'a probablement jamais colorié un mandala de sa vie).
